Télésoin : c'est (enfin) parti !
Sophie Conrard
- 20 avril 2020
Très attendu, l'arrêté permettant aux kinésithérapeutes de pratiquer le télésoin et de se faire rémunérer en conséquence a été publié au 'Journal officiel' samedi. Voici ce qu'il faut savoir.
La profession était demandeuse de ce dispositif, afin de « pouvoir répondre efficacement à l’urgence sanitaire qui frappe notre pays, ainsi qu’à la nécessité de libérer des lits à l’hôpital afin d’accueillir les malades du Covid-19, c'est pourquoi la FFMKR avait officiellement demandé à Olivier Véran, ministre de la Santé, et à Nicolas Revel, directeur général de la Cnam, de mettre en place de façon temporaire, dans le cadre de la crise du Covid-19, le télésoin en kinésithérapie », explique la Fédération dans un communiqué.
L'attente était forte également du côté des patients, à qui il ne fut pas facile d'expliquer pourquoi les cabinets avaient fermé du jour au lendemain et pourquoi leur kinésithérapeute attitré ne pouvait plus les prendre en charge.
Heureusement, « c'est aujourd'hui chose faite. L'arrêté du 18 avril 2020 vient préciser le cadre et les conditions d'application du télésoin en kinésithérapie », se réjouit la Fédération. « Mesure barrière par excellence, cela va nous permettre de garantir une surveillance, une évaluation régulière, un rappel des consignes de prophylaxie et la mise en œuvre d’exercices d’auto rééducation dirigés, limitant ainsi la perte de chance et les risques de séquelles fonctionnelles pour bon nombre de patients. La FFMKR se félicite de cette avancée face à l’aggravation actuelle de l’épidémie. »
Quels actes peuvent être réalisés en télésoin ?
Les bilans initiaux et les renouvellements de bilan sont exclus de la prise en charge à distance par télésoin. Il est impératif que le kinésithérapeute ait déjà vu le patient au moins 1 fois au préalable. Évidemment, le kinésithérapeute ne peut prendre qu'un patient à la fois.
Pour les mineurs de 18 ans, la présence d’un des parents ou d’un majeur autorisé est nécessaire. Pour les patients présentant une perte d’autonomie, la présence d’un aidant est requise.
Tableau des actes de kinésithérapie facturables à l'assurance maladie dans le cadre d'une réalisation à distance par télé soin. |
En pratique, vous n'avez donc pas besoin d'un outil spécifique car ce type de télésoin n'implique pas d'échanges de documents médicaux : vous pouvez utiliser Skype, Whatsapp, Facetime...
Les actes ouverts au télésoin sont les suivants (voir aussi le tableau ci-dessous) :
- Les actes mentionnés aux articles 1, 2 et 3 du chapitre II : « traitements individuels de rééducation et de réadaptation fonctionnelles » de la NGAP, à l’exclusion de l’acte « rééducation et réadaptation, après amputation y compris l’adaptation à l’appareillage » ;
- Les actes de rééducation de l'hémiplégie et des affections neurologiques stables ou évolutives pouvant regrouper des déficiences diverses (commande musculaire, tonus, sensibilité, équilibre, coordination...), en dehors de l'hémiplégie et de la paraplégie mentionnés à l’article 4- Rééducation des conséquences d'affections neurologiques et musculaires ;
- L’acte de rééducation des maladies respiratoires, obstructives, restrictives ou mixtes (en dehors des situations d'urgence) mentionné à l’article 5 - Rééducation des conséquences des affections respiratoires ;
- L’acte de « rééducation maxillo-faciale en dehors de la paralysie faciale » mentionné à l’article 6 du chapitre II « traitements individuels de rééducation et de réadaptation fonctionnelles » de la nomenclature générale des actes professionnels ;
- Les actes de « rééducation pour artériopathie des membres inférieurs » et « rééducation pour insuffisance veineuse des membres inférieurs avec retentissement articulaire et/ou troubles trophiques », mentionnés à l’article 7 du chapitre II « traitements individuels de rééducation et de réadaptation fonctionnelles » de la NGAP.
« Cet arrêté est loin de nous satisfaire. Nous avions demandé la possibilité de réaliser des bilans mais aussi que toute la NGAP soit ouverte au télésoin, laissant au seul masseur-kinésithérapeute l’appréciation de la pertinence du télésoin pour son patient », commente la Fédération. « Il en est de même pour la réalisation de la première séance en présentiel avant de pouvoir réaliser le télésoin, qui représente une grosse contrainte concernant les patients éligibles, ou nous oblige à voir le patient pendant cette période épidémique. Nous sommes malheureusement confrontés à un gros problème d'approvisionnement en matériel de protection (masques, gants, surblouses, charlottes...) qui empêchent bon nombre de confrères de réaliser ces soins en présentiel », insiste Sébastien Guérard, son président. « Nous cherchons des alternatives pour pouvoir reprendre les soins auprès des plus fragiles (je pense notamment aux résidents d'Ehpad et aux patients atteints de pathologies chroniques, de certaines maladies neurologiques), qui représentent une véritable bombe à retardement en ce sens qu'ils risquent une perte de chance considérable si les soins sont interrompus trop longtemps. »
Comment facturer ces actes ?
Les actes réalisés en télésoin sont facturés avec les mêmes cotations que lorsqu'ils sont réalisés en présence du patient. Ils sont pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Le tiers payant est préconisé mais non obligatoire.
Pour certains patients, si nécessaire, il conviendra de sélectionner l’exonération de type « soins particuliers exonérés » (exo DIV, valeur 3) pour chaque acte afin de permettre cette prise en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire.
Par ailleurs, « grâce à cet arrêté, les professionnels qui faisaient du télésoin bénévolement jusque-là pourront enfin le facturer », précise la Fédération, qui invite la profession à s'emparer de ce nouvel outil et à saisir cette occasion de «se faire une idée concrète des possibilités et des limites de cet outil qui est amené à se déployer dans les années à venir ».
« Je remercie le ministre de la Santé de nous avoir entendus, car nous revendiquons le télésoin depuis la première semaine de confinement. C'est le meilleur palliatif à la carence en matériel de protection dont nous souffrons », commente Sébastien Guérard. « Bien sûr, ce n'est qu'un outil parmi d'autres et cela ne remplacera pas la manière dont nous pratiquions avant cette crise. Notre ADN, c'est le toucher. Mais nous devons nous adapter pour rester en contact avec le patient et l'aider à traverser cette crise qui durera encore de longs mois. Le télésoin est une manière de garantir la continuité des soins en attendant de pouvoir assurer les mesures d'hygiène nécessaires pour voir à nouveau les patients. Il va nous permettre d'assurer à distance le suivi de l'évolution fonctionnelle du patient, de lui prodiguer des conseils d'hygiène de vie, de prophylaxie, et d'adapter les protocoles d'auto-rééducation au fil des semaines. »
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