L’hebdomadaire de la profession
pour les kinésithérapeutes

L’École d’Assas a organisé la 23e Conférence du réseau ENPHE

Michel Pillu, Nicole Maurice et Laurence Le Goff [1]
- 8 octobre 2018

Du 20 au 22 septembre, l’École d’Assas a organisé la 23e conférence du réseau ENPHE (European Network of Physiotherapy in Higher Education). Cette conférence s’est tenue à la Défense, dans les locaux de COM SQUARE, et a réuni 264 participants, étudiants et enseignants représentant 100 universités ou instituts de formation en physiothérapie de 24 pays d’Europe, du Liban, de Turquie et des États-Unis.

ENPHE est le réseau européen d’écoles/instituts de physiothérapie dont la vocation est d’offrir une plateforme d’échange d’information, de nouveaux projets et de pratiques pédagogiques autour de la formation. Le thème retenu cette année est celui de l’innovation et de la multidisciplinarité dans l’éducation. Des orateurs de renom, ont apporté leur expertise sur cette thématique. Entre les séances plénières, les thématiques de l’innovation et de la multidisciplinarité étaient déclinées en ateliers sur les thèmes suivants :

- Professional issues
- Research
- Facilitation of learning
- Internationalization
- Physiotherapists in the emergency room, an emerging role
- Practice-based learning
- Interprofessional learning in ENPHE.

Les thèmes de ces ateliers sont travaillés lors des séminaires de printemps par des groupes de formateurs du réseau ENPHE. Il s’agit, lors de la Conférence d’automne, de rapporter le travail des groupes.

Les ateliers sont animés sur un mode collaboratif ; les participants sont sollicités pour échanger sur les thèmes présentés par le(s) facilitateur(s). À l’issue de ces ateliers, des pratiques pédagogiques telles que le blended learning peuvent être implémentées dans le curriculum des instituts. Car un des intérêts d’ENPHE est d’être un lieu d’échanges de pratiques éducatives, de les tester ensemble avec les étudiants et de construire au fil des années de nouveaux outils qui facilitent l’apprentissage.

L'une des caractéristiques essentielles d’ENPHE est la participation très importante des étudiants. Parmi les 264 inscrits à cette conférence, il y avait centaine d’étudiants, à qui la première journée était entièrement dédiée. Leur travail s’est organisé autour d’ateliers entrecoupés d’une séance plénière sur la multidisciplinarité à l’hôpital animée, par Vilma Bouratroff et Karin Colonna du Centre Hospitalier de Plaisir (78). Ensuite, au cours des 2 dernières journées, les étudiants se sont mêlés aux enseignants et ont participé au travail des ateliers.

De l’ensemble des interventions, plusieurs tendances se dégagent dans les pratiques pédagogiques en Europe. Tout d'abord, l’approche multidisciplinaire au sens large. L’étudiant coopère dans le cadre de sa formation avec des étudiants venus d’horizons autres que celui de la santé. Anita Ahlstrand [2], enseignante à l’Université Metropolia d’Helsinki, a présenté le projet Minno© qui, tous les ans, réunit l’ensemble des étudiants autour d’un projet innovant : « Quand une infirmière rencontre un homme/femme d’affaires, quand un physiothérapeute rencontre un ingénieur, le résultat est une façon de penser unique complètement nouvelle ». À titre d’exemple, le projet Rehaboo illustre bien l’esprit du projet Minno© : comment aider les enfants à avoir un séjour agréable à l’hôpital grâce aux nouvelles technologies (How to help children to experience a more enjoyable hospital visit with new technology? Physiotherapy Microsoft Xbox Kinect game for the New Children’s hospital).

Un enseignement de plus en plus participatif
Une autre tendance est l’émergence d’une relation plus transversale entre l’étudiant et l’enseignant. Les étudiants sont associés à la construction du cours en amont de celui-ci, ce qui rend l’enseignement plus participatif, laissant la place à plus d’échanges. Le cours magistral, dont le format tend à disparaître, jugé trop passif, cède la place au travail en petits groupes.

C’est tout le sens de l’intervention de François Taddei, co-fondateur du Centre de Recherches Interdisciplinaires et auteur du rapport sur la société apprenante : « Inventer l’éducation supérieure du XXIe siècle suppose de passer à une pédagogie active (…) un renforcement des activités collaboratives, favorisant le travail en équipe » (François Taddéi, Vers une Société Apprenante).

Cinq étudiants européens, Sarah Vignaux et Alexandre Tan de l’École d’Assas, Yusra Sert de l’Université Marmara en Turquie (en mobilité Erasmus à Assas), Selma Reynisdóttir, de l’Université d’Islande et une étudiante du CEERRF, ont pris la parole. Accompagnés par François Taddei, Olivier Bory, interne en médecine, et Flavien Quijoux, kinésithérapeute, tous deux membres du Health Lab - CRI Paris, ils ont pu présenter l’expérimentation pédagogique interdisciplinaire en kinésithérapie réalisée au CRI pour ensuite échanger avec la salle sur « l’IFMK idéal » : un espace ouvert aux possibles, au rêve, à l’imagination des étudiants, à l’écoute de leurs idées. François Taddei a été le modérateur du débat. Les directeurs d’IFMK ont souligné que la nouvelle gouvernance des IFMK institutionnalise la démocratie étudiante, mais il ne s’agit pas de cela. Il s’agit d’espaces où chaque étudiant en tant qu’individu, exprime sa créativité autour d’un projet en équipe et le mène à terme dans le cadre de sa formation, à la frontière du formel et de l’informel. Les nouvelles approches de la pédagogie valorisent à la fois la créativité de l’individu en tant que tel mais toujours en équipe, sur un mode collaboratif et transversal.

Montée en puissance des nouvelles technologies
Les nouvelles technologies sont de plus en plus utilisées pour apprendre dans le cadre de l’apprentissage. L’IFMK de Bègles a présenté le serious game Petrha : "Initié pour répondre à de réelles problématiques de santé européennes, il permet aux étudiants et futurs professionnels en physiothérapie de s’entraîner au raisonnement clinique grâce à la simulation numérique dans le but d’une meilleure prise en charge du patient." Ce projet a été présenté par Estelle de Temmerman (K4) et Ashley Van Haluwyn (K2). Les étudiants, sous l’œil attentif et bienveillant de leur enseignant Bruno Albouy, responsable des K3, ont présenté le jeu et sa pertinence pour la formation initiale.

Mais la technologie est aussi présente dans le traitement des patients, comme l’ont montré Franck Van Zon -Physitrack BVet Jasmin Pekaric (University of Applied Sciences Institute for Human Movement Studies, Utrecht). Les nouvelles technologies permettent d’obtenir d’excellents résultats dans le réentraînement à l’effort, le traitement de la douleur, l’amélioration de la posture avec une nouvelle approche de la rééducation du patient. L’utilisation de la technologie permet d’améliorer une auto-prise en charge par le patient de la gestion de son temps comme de ses soins d’une manière multidimensionnelle. Un des principaux intérêts de la technologie est d’interdire l’à peu près et donc de renforcer tout ce qui implique l’utilisation des niveaux de preuves. À travers les jeux, la réalité virtuelle ou augmentée, permet une nouvelle pédagogie et une nouvelle didactique vis-à-vis des patients mais aussi forme aussi une compétence nouvelle des étudiants pour le 21e siècle. Le physiothérapeute doit partager et collaborer avec son patient, il doit remplacer la peur de l’inconnu par la curiosité. Toutefois, les deux auteurs ont aussi insisté sur le fait que l’apparition de ces technologies nouvelles dans la rééducation n’empêche pas la physiothérapie d’être encore et toujours, une affaire de professionnels aguerris.

Les vertus de l'initiation à la recherche mises en lumière
L’assistance a particulièrement apprécié la conférence de Pasquale Gallo, enseignant à l’IFMK Valentin Haüy, qui a présenté l’originalité de la pédagogie pour les étudiants mal voyants en coopération avec Thierry Lassalle, responsable K3 à l’IFMK Assas. Cette pédagogie est complètement méconnue dans le nord de l’Europe, puisqu’il n’y a pas dans ces pays d’écoles dédiées aux malvoyants. En Europe, seule l’Espagne a une école spécialisée dans le handicap visuel, ce qui a suscité de nombreuses questions sur les méthodes d’enseignement et la mise en stage.

Cinq autres écoles françaises ont envoyé des représentants : l'IFMK de l'AP-HP, l'Efom, l'IFMK de Bègles, l'IFMK de La Musse et l'IFMK de Dijon, ce qui sanctionne le retour de la France dans ENPHE. Les communications de Pasquale Gallo et la conférence inversée de François Taddei ont montré la richesse du savoir-faire français en termes de pédagogie et d’innovation dans la manière d’enseigner.

L’apport des universités européennes est fondamental sur un point essentiel : l’apport de l’initiation à la recherche comme instrument de formation. Les universités technologiques ont des laboratoires dédiés à la recherche en kinésithérapie. Non seulement on teste des techniques pour améliorer la prise en charge des patients mais aussi des techniques de communication avec les patients. Chaque recherche est accompagnée soit d’un article rédigé par l’étudiant et le professeur accompagnant, soit d'un poster. Il est certain que l’écriture aux normes universitaires est particulièrement formatrice. Pendant la conférence, une vingtaine de posters ont été exposés, dont certains présentés comme support à un master ou à une licence. Durant la cérémonie de clôture, les membres d’ENPHE ont décerné le prix du meilleur poster, un niveau licence et un niveau master.

Le dernier mot de cet article est dédié à nos étudiants et à nos étudiants Erasmus qui ont assuré l’accueil, la logistique et bien d’autres imprévus pendant 3 jours denses et riches en échanges. Les étudiants sont le moteur de l’histoire de nos écoles, ce sont eux qui nous poussent à nous ouvrir sur le monde. C’est à cette jeunesse qui nous entoure tous les jours que « nous sommes redevables, c’est elle qui nous oblige. Pour elle, on se doit de répondre aux appels du présent » (Patrick Boucheron, Ce que peut l’histoire, Leçon Inaugurale au Collège de France le 17 décembre 2015). Merci à Manon, Alexandre, Nathanaël, Clara, Apolline, Cécile, Margaux, Chloé, Sarah, Alexandre, Yusra (Turquie) et Pihla (Finlande).

[1] Département International de l’Ecole d’Assas. Michel Pillu, MK, PhD Biomecanique. Nicole Maurice, PhD SHS. Laurence Le Goff, MK, Master Msc.
[2] Senior lecturer, Helsinki Metropolia University. Coordinatrice du Projet Minno©.

© Ecole d'Assas

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