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Projet « Étudiants Kinésithérapeutes Solidaires » : Un projet pédagogique au service des personnes confinées réalisé par des étudiants volontaires de l’IFMK de Montpellier

Sophie Conrard
- 10 avril 2020

Ils ont lancé fin mars une chaîne Youtube pour proposer une bibliothèque d'exercices que les patients peuvent réaliser chez eux pendant le confinement. Elle aide aussi les personnes qui souhaitent maintenir un certain niveau d'activité physique durant cette période.

Lancée le 22 mars avec quelques vidéos, la chaîne IFMK Montpellier TV a déjà récolté plus de 3100 vues et 80 abonnés. Elle compte à ce jour plus de 30 vidéos sur des thèmes variés, qui s'adressent autant à des patients souffrant de maladies chroniques (lombalgie, arthrose...) qu'aux personnes qui souhaitent se maintenir en forme malgré le confinement et les heures passées en position assise devant un écran : « décontracter le dos et les épaules », « arthrose de genou et renforcement musculaire », « sport à la maison : les fondamentaux », « travail du dos en position assise » ou encore « relaxation par la cohérence cardiaque ».

Les vidéos sont assez différentes les unes des autres. Certains étudiants ont mis de la musique, d'autres non. Des consignes sont énoncées oralement ou écrites sur les images. Certains mettent 1 ou 2 diapos explicatives au début. Certains donnent beaucoup d'indications, d'autres moins, insistant simplement sur le placement de la respiration.

Poursuivre la formation malgré le confinement
« Au départ, l'objectif était d'assurer la continuité de la formation de nos étudiants, afin de pouvoir valider un maximum des compétences et d'unités d'enseignement [1] en fin d'année. Nous sommes tous préoccupés du devenir de nos étudiants pendant cette période extraordinaire et inédite, qui nous oblige à repenser nos modalités de formation », explique Frédéric Rouvière, directeur de l'IFMK de Montpellier. Par ailleurs, « ce système de formation à distance permet de leur donner un but : aider des patients ou des personnes qui souhaitent rester en forme durant le confinement. C'est pour eux un motif de satisfaction ».

Il a été proposé aux étudiants de réaliser des vidéos sur 3 thématiques : le renforcement musculaire, les étirements et la posture, en ciblant 3 types de populations : les enfants, les adultes et les personnes âgées. « L'idée est de leur permettre de mettre en application leurs connaissances, de leur apprendre à construire un message simple, de recevoir une critique constructive sur leur proposition, quitte à la corriger si besoin. » Ce projet va leur permettre de « valider des compétences professionnelles, en les plaçant en situation comme s'ils se trouvaient face à un vrai patient : lui montrer un exercice, lui donner les consignes, le corriger si besoin... », complète Frédéric Rouvière.

Ils se filment avec leur portable ou un appareil photo et se débrouillent pour le montage, ou demandent de l'aide à Mathias Willame, l'enseignant qui encadre ce projet et visionne les vidéos avant de les mettre en ligne. Si besoin, celui-ci leur demande de réorienter certains exercices, par exemple pour les adapter à un patient avec une limitation fonctionnelle ou en phase douloureuse aiguë. Un étudiant de K2 propose par exemple des exercices réalisables assis sur une chaise, qui intéresseront les personnes âgées.

La consigne est de faire court et de donner des consignes claires.

Soutenir les patients qui en ont besoin
Océane Bauer, étudiante en 3e année, dont le père est suivi par un kinésithérapeute et a besoin de poursuivre les soins malgré le confinement, sait combien un suivi à distance peut être utile pour certains patients. Elle a d'abord proposé une vidéo sur l'équilibre et le renforcement musculaire des membres inférieurs. Depuis, elle travaille sur le cas pratique qui lui a été attribué : une entorse de cheville récidivante chez un homme de 22 ans, adepte de la course à pied. Après avoir fait des recherches sur cette pathologie et réalisé un bilan avec son patient, dont la dernière séance (théorique) remonte au 13 mars, juste avant le confinement, elle doit lui proposer une rééducation adaptée, qui se déroulera sur 4 semaines. Elle va donc réaliser plusieurs vidéos.

Tourner les films ne lui pose pas de difficulté. Elle en avait l'habitude et faisait déjà du montage avec le logiciel Movie Maker. « Je monte un peu mes vidéos pour qu'elles soient plus agréables à regarder, mais je répète beaucoup avant de tourner, de façon à ce que tout soit bien calé », précise-t-elle. Elle s'efforce de « parler de façon chaleureuse, pour que les gens se sentent soutenus, tout en restant professionnelle bien sûr ». Mathias Willame lui a donné des conseils pour poser sa voix et « ne pas parler comme un robot ».

« Je voulais me sentir utile auprès de personnes qui se trouvent isolées à cause du confinement, alors j'ai puisé dans mon expérience personnelle (je fais de la boxe depuis une dizaine d'années) pour proposer des exercices adaptés à des patients qui ont des pathologies de l'épaule, par exemple », explique Mélanie Mifsud, étudiante de première année. Elle s'est fixé pour but de réaliser 2 vidéos par semaine, « en suivant un enchaînement logique : d'abord les poings, puis les pieds, sans oublier un peu de cardio ». À partir des gestes techniques de la boxe (par exemple coup de poing direct, upercut et crochet), elle explique quel muscle est sollicité et élabore un exercice destiné à renforcer ce muscle. Elle met un point d'honneur à proposer des exercices réalisables sans matériel particulier, en utilisant ce qui se trouve autour d'elle : une porte (pour un exercice en résistance), un collant (pour remplacer une bande élastique), une chaussette...

Étant seulement en 1re année, elle a conscience d'avoir « des connaissances limitées » et puise dans ses cours de kinésithérapie active et de testing musculaire. Elle s'efforce de « mettre en avant son côté kinésithérapeute et professionnelle de santé, en proposant par exemple un bref rappel anatomique au début de chaque vidéo ».

Inventer de nouvelles modalités de formation
Ce projet pédagogique fonctionne sur la base du volontariat. « Un groupe de 25 étudiants très motivés s'est constitué, qui produisent des vidéos à leur rythme. À chaque fois, ils doivent analyser la situation proposée, mobiliser leurs connaissances pour élaborer un message le plus clair et concis possible, et adapté au public ciblé. Les exercices doivent être réalisables par tous, y compris des enfants », détaille le directeur de l'IFMK.

Exercices pour un patient avec arthrose de genou.

Pour l'instant, il n'est pas prévu de noter ce travail, mais l'école suit de près la production de ses étudiants et s'efforce de trouver des correspondances avec certaines unités d'enseignement. L'IFMK de Montpellier cherche en permanence à innover en matière de formation. Ce projet, né d'une situation exceptionnelle, pourrait devenir pérenne et entrer pleinement dans le cadre de la formation initiale. « Il est logique que nos étudiants apprennent à utiliser tous les moyens à leur disposition (comme Youtube) pour s'adapter aux évolutions de la profession. Ils leur seront utiles pour communiquer avec leurs patients, faire de la prévention, etc. C'est dans cet esprit que nous nous efforçons de développer la formation initiale à Montpellier », souligne Frédéric Rouvière.

Amber Beltra, étudiante en 2e année, s'est portée volontaire dès le début. « Assez active sur les réseaux sociaux », elle avait envie de se sentir utile dans la situation sanitaire actuelle, en essayant de « conseiller et aider les gens » avec ses connaissances. Grande sportive et atteinte d’une légère scoliose, elle a l'habitude de faire des exercices et sait combien il est important de ne pas les négliger le mouvement. Elle a donc commencé par tourner une vidéo sur la statique pelvienne, avec des exercices inspirés du yoga mais adaptés à tous, en insistant sur le placement de la respiration, laquelle a pu être ajoutée au projet IFMK Montpellier TV. Elle a par la suite tourné une dizaine de vidéos d'exercices de mobilisation adaptés à tous : « Pour des gens très sédentaires, qui passent beaucoup de temps assises à un bureau, ou des personnes âgées » mais aussi « pour les personnes qui vont bien et n'ont pas de pathologie ». Avec un camarade, elle a également tourné une vidéo intitulée « Mobiliser son dos facilement » afin de combattre les douleurs de dos, facilement, à la maison comme au bureau. « Il est important de comprendre le mode de vie d'une personne pour mieux répondre à ses besoins », précise-t-elle.

L'intérêt de cette chaîne est qu'« un grand nombre de personnes pourront s'y retrouver, quel que soit leur souhait : gagner en souplesse, se détendre, bouger son dos, travailler sa posture, s'échauffer, s'étirer le matin... C'est une manière d'entretenir un lien avec les patients pendant le confinement, et de les aider à devenir plus autonomes ».

« En s'abonnant, les patients auront la possibilité de poser des questions aux étudiants, qui se feront un plaisir d'y répondre. Cet outil peut devenir très interactif », insiste Mathias Willame, qui prescrit à plusieurs de ses patients des exercices imaginés par les étudiants.

[1] Optionnelles, les UE 12 et 13 correspondent à la production de supports papier ou vidéo, la prise de parole en public, etc.

© IFMK Montpellier TV. Légendes

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