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La Cour de cassation a tranché : la cryothérapie est réservée aux professionnels de santé

©BrianAJackson

Sophie Conrard (avec APM news)
- 17 mai 2022

Les actes de cryothérapie sont réservés aux médecins et aux masseurs-kinésithérapeutes, a rappelé la Cour dans 2 arrêts rendus le 10 mai. Elle avait été saisie dans des affaires impliquant des séances de cryothérapie dispensées dans un institut de beauté francilien et un centre de cryothérapie à Nancy, sans encadrement médical ou paramédical.

Dans la première affaire, l'institut et son responsable étaient poursuivis par un client victime d'engelures après une séance de cryothérapie, entraînant une incapacité totale de travail d'un mois et demi. L'enquête avait établi que la séance avait été dispensée en dehors de toute supervision médicale, par des esthéticiennes ayant seulement suivi une formation assurée par l'installateur du matériel. Or dans sa communication, le responsable de l'institut alléguait que « la cryothérapie permet de soulager les personnes atteintes de maladies dégénératives douloureuses » et avait « mis en avant des témoignages de clients déclarant avoir été guéris de pathologies réelles », rapporte la Cour de cassation.

Le tribunal correctionnel puis la Cour d'appel de Paris les avaient condamnés pour blessures involontaires et exercice illégal de la médecine. La CA avait notamment relevé que le procédé utilisé soumettait la personne « à des températures négatives extrêmes, ayant entraîné des brûlures profondes aux 2e et 3e degrés ».

Par ailleurs, si la pratique était décrite par le gérant de l'établissement comme « dépourvue de toute finalité de soin et visant exclusivement le bien-être, l'une des esthéticiennes avait admis que la seule différence avec la cryothérapie à visée thérapeutique était l'absence d'intervention d'un médecin ».

La Cour de cassation considère que si son arrêté entraîne une restriction de la liberté d'établissement et du principe de libre prestation de services, garantis par le droit européen, celle-ci est « nécessaire et proportionnée » à la poursuite d'un intérêt impérieux de santé publique justifié « par les dangers particuliers liés à l'usage de ce procédé ». Elle a donc rejeté le pourvoi du gérant et de sa société.

La cour d'appel de Nancy désavouée

Dans le second dossier, les conseils départementaux de l'Ordre des médecins et de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Meurthe-et-Moselle avaient porté plainte contre un établissement nancéen spécialisé dans la cryothérapie corps entier (CCE). Le tribunal de la ville a, en première instance, condamné ses propriétaires pour exercice illégal de la médecine et de la masso-kinésithérapie. Puis la CA de Nancy les a relaxés, déclarant irrecevable la constitution de partie civile des 2 instances ordinales. Elle avait aussi estimé que si la CCE était pratiquée dans un but de bien-être, aucun texte n'en interdisait expressément la pratique à d'autres professions que celles de médecin et masseur-kinésithérapeute. Elle a fait valoir que celle-ci n'entraînait ni altération ni destruction des tissus, et que les CDO n'avaient pas démontré que les actes pratiqués avaient une visée thérapeutique.

En outre, la CA avait qualifié de « maladroits » les documents publicitaires diffusés par ce centre de CCE, qui laissaient penser à tort que cette technique pouvait « soulager des douleurs chroniques et des états post-traumatiques par des effets antalgiques et anti-inflammatoires, aider à la rééducation de patients présentant une spasticité musculaire et apporter des bienfaits notamment pour certaines pathologies comme l'eczéma, le psoriasis, les œdèmes et les inflammations ».

La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel, lui reprochant de s'être déterminée par des motifs « inopérants » s'agissant du caractère maladroit des documents publicitaires, et « contradictoires » quant à l'absence de finalité médicale de la CCE, alors qu'elle avait pourtant relevé que la gérante reconnaissait proposer des séances pour soulager les douleurs.

Des principes posés en 1962

Dans ses 2 arrêts, la Cour de cassation rappelle les limites posées pour la pratique de la cryothérapie par un arrêté du 6 janvier 1962 : la cryothérapie à des fins médicales est un acte de physiothérapie, réservée aux seuls médecins « lorsqu'elle aboutit à la destruction, si limitée soit-elle, des téguments » (tissus humains) et aux seuls masseurs-kinésithérapeutes, sur prescription médicale, sans qu'elle puisse aboutir à la destruction des téguments.

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