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Finistère :
Un groupement de recherche dédié à la réadaptation de l'enfant

Véronique Vigne-Lepage
Kiné actualité n° 1633 - 01/06/2023

Dédié à la population des enfants atteints d'hémiplégie ou de paralysie cérébrale, BEaCHILD, groupement d'intérêt scientifique basé à Brest, est le premier centre de recherche et d'innovation technologique pour le développement de la réadaptation de l'enfant. Les travaux de son équipe transdisciplinaire permettent l'émergence d'innovations dans les outils et les thérapies, dont peuvent s'emparer tous les kinésithérapeutes libéraux.

Les enfants ne sont pas de petits adultes : c’est cette conviction qui a conduit le CHU de Brest (Finistère), l’Université de Bretagne-Ouest, l’Institut Mines Télécom Atlantique et la Fondation Ildys (gestionnaire d’établissements de réadaptation pédiatriques) à créer, en 2019, le Centre breton de recherche et d’innovation technologique pour le développement de la réadaptation de l’enfant ou Beachild (son acronyme en anglais). En son sein, des thésards ou post-doctorants, médecins de MPR, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychologues... “C’est une première”, pointe Sandra Bouvier, kinésithérapeute, doctorante et coordinatrice scientifique de cette équipe d’une vingtaine de personnes basée au CHU. Là, “la discipline initiale de chacun se dilue dans l’objectif commun d’être chercheurs sur la motricité de l’enfant”, ajoute Sylvain Brochard, professeur de MPR pédiatrique et directeur scientifique du centre.

Grandir avec une lésion
Étudier celle-ci est leur premier axe de travail. “L’enfant est un être en développement”, explique Sandra Bouvier. “Si une lésion intervient à 2 ans, il grandit avec. Il y a là une vraie spécificité à comprendre, par exemple pour rendre visibles les développements possibles pour la création d’orthèses ou exosquelettes adaptés à chaque âge.” L’équipe a notamment étudié le niveau de retentissement d’une hémiplégie ou d’une paralysie cérébrale sur l’acquisition de la marche : “Nous avons pu prouver que la majorité des enfants atteints de paralysie cérébrale ont un décalage d'au moins 10° au niveau du bassin et de la hanche”, assure Sylvain Brochard. “C’est donc là que le kinésithérapeute doit cibler sa rééducation, non sur le pied.”

Deuxième axe : l’innovation, orientée sur les applications mobiles. “Déterminer des objectifs de rééducation-réadaptation avec l’enfant, tout le monde le fait, mais il manquait quelque chose pour lui permettre de les partager avec tous ses rééducateurs”, explique Sylvain Brochard. Ainsi est née l’application Kid’EM (pour “Engagement et Motivation”), qui suggère au thérapeute des objectifs, mais permet aussi au petit d’y impliquer ses enseignants, son ergothérapeute, son club sportif… “Kid’EM est accessible aux kinésithérapeutes libéraux”, assure Sandra Bouvier. “Elle est vraiment faite pour eux, pour qui la connexion avec les autres professionnels est compliquée.”

Une autre application, facilitant les parcours de soin, est en cours de développement, ainsi qu’une troisième, utilisant la réalité virtuelle pour apprendre à écrire : “Grâce à celle-ci, les enfants qui ont une motricité fine limitée peuvent utiliser leurs membres de manière générale pour produire de l’écriture. Nous étudions ainsi l’utilisation de la réalité virtuelle comme outil de transition”, précise la kinésithérapeute.

Ces enfants avec paralysie cérébrale d’âge
pré-scolaire sont en stage Habit-Ile dans
le cadre du projet européen “Cap”. Objectif :
évaluer les changements fonctionnels,
biomécaniques et neurophysiologiques
induits par cette thérapie.
Sylvain Brochard, responsable scientifique,
et Sandra Bouvier, coordinatrice scientifique
de BEaCHILD.

Thérapie intensive
Le troisième axe est à la fois l’objet de son doctorat et un projet européen de recherche intitulé Changements induits par la thérapie Habit-Ile (Hand-arm bimanual intensive therapy including lower extremity) ou “Cap”. “Il s’agit d’une thérapie fonctionnelle intensive basée sur des objectifs déterminés avec les parent. Pendant 2 semaines, de 9 h à 17 h, l’enfant joue. Si nous observons qu’il n’arrive pas à faire un geste, nous repérons quel est le mouvement à entraîner et nous adaptons les jeux en ce sens”, détaille la chercheuse. Pour un petit ayant un déficit d’extension du poignet, par exemple, elle placera un jouet en hauteur. “L’équipe du Professeur Bleyenheuft, en Belgique, a montré l’impact de cette thérapie pour les plus de 6 ans”, assure-t-elle. “Pour poursuivre pour les plus jeunes, nous avons répondu à un appel à projets de la Fondation paralysie cérébrale.” Il s’agit de mesurer l’impact fonctionnel du recours à des objets utilisables uniquement à 2 mains et étudier comment l’enfant assiste sa main “défaillante” avec l’autre. 100 petits sont inclus à Angers, Bruxelles, Pise ou à Brest. “A Brest, nous étudions le mouvement.” Avant la thérapie Habit-Ile, puis 3 mois après, ces derniers viennent au laboratoire du CHU de Brestoù, équipés de capteurs, ils doivent appuyer sur un buzzer, ouvrir un tiroir ou une boîte fermée par un élastique, sous le regard des professionnels de la rééducation. En parallèle, une psychologue étudie comment inclure les parents de façon plus ajustée : “Il faut les positionner comme acteurs dès le départ, mais l’ajustement est la clé d’un vrai partenariat”, observe Sandra Bouvier.

Restera à diffuser cette thérapie : “Cette organisation ne pourra se faire qu’en partenariat avec les libéraux et les centres de rééducation”, entrevoit Sylvain Brochard.

© D.R.

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