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À Châlon-sur-Saône, une expérimentation de téléréadaptation en pneumologie

©DR

Sophie Conrard (avec APM news)
- 19 mars 2024

Un établissement de la Croix Rouge française, Marguerite Boucicaut à Châlon-sur-Saône, expérimente actuellement des soins médicaux et de réadaptation (SMR) hors les murs avec une solution de téléréadaptation, dans le but d'étendre le territoire sur lequel elle intervient et développer son activité. Les résultats sont encourageants.

Cet établissement déploie une stratégie hors les murs qui s'appuie sur une unité mobile de réadaptation qui réalise jusqu'à 150 visites par an depuis 2021, 2 programmes de téléréadaptation avec 4 places en pneumologie et 4 places en neurologie, ainsi que 10 lits d'hospitalisation à domicile (HAD) de rééducation en pneumologie et neurologie. Au moment de la crise Covid, lorsque l'hôpital de jour a été contraint de fermer, l'équipe s'est posé la question de la pertinence de cette stratégie pour éviter les ruptures de soins mais aussi pour optimiser certains coûts grâce à une gradation de l'offre de soins. "L'idée était de développer des projets expérimentaux pour valider leur efficience économique auprès des tutelles. Aujourd'hui, on fait de l'HAD de rééducation avec des tarifs de HAD classiques et de la téléréadaptation sans tarif spécifique", explique le directeur du SSR, Fabrice Sainte-Marie. "Contraintes sanitaires, manque d’espace, augmentation des maladies chroniques… Il était impératif de commencer à réfléchir au futur de la rééducation."

Genèse du projet

En mai 2020, il a ouvert un télésuivi par téléphone pour l'hôpital de jour de cardiologie (3 semaines de télésuivi après 2 semaines en présentiel), pour pouvoir absorber la file active de patients qui n'avaient pas pu être accueillis pendant le premier confinement, de mi-mars à mai 2020. Mais après quelques mois, "nous nous sommes aperçus que nous avions un taux d'observance des séances très bas et un taux d'abandon très élevé", regrette le directeur. Par ailleurs, la prise en charge en visioconférence était limitée et ne permettait pas de proposer aux patients la rééducation dont ils avaient besoin. Ceux-ci étaient fatigables et avaient besoin de coaching, ce qui s'est avéré compliqué à proposer par téléphone.

L'équipe a donc décidé d'élaborer un programme test de téléréadaptation en pneumologie, avec les composantes d'une rééducation classique, afin de ne pas proposer une "rééducation au rabais" ni abandonner des patients en cas de nouveau confinement. Les kinésithérapeutes de l'établissement ont participé à sa conception.

Jusqu'en janvier 2021, différents groupes ont planché sur le programme thérapeutique, le parcours patient, testé le matériel et les outils nécessaires, etc. Le programme a été officiellement lancé le 1er février 2021 avec 2 patients de pneumologie, puis 4.

Un programme personnalisé

La réhabilitation respiratoire se déroule en 3 étapes, sur 5 à 7 semaines. Elle commence par une semaine d'hospitalisation pour divers examens, tests, bilans. Cela permet aussi d'organiser un programme personnalisé pour chaque patient et de le former aux outils connectés : une tablette et une montre connectée. On met aussi à sa disposition du petit matériel de musculation (élastiques, haltères…) et de réentraînement à l'effort (vélo principalement).

Cette semaine au sein du SSR permet de vérifier l'autonomie des patients dans la réalisation des activités du programme et l'utilisation des outils nécessaires. "Il nous est arrivé de récupérer des patients en hospitalisation de jour ou complète car ils ne sont pas assez autonomes ou ils n'ont pas la force de caractère ou le sérieux nécessaire pour assurer seuls leur rééducation à domicile", précise Fabrice Sainte-Marie.

Les critères d'inclusion sont les suivants : patients sans problème cognitif, atteint de BPCO ou insuffisants respiratoires sans risque de décompensation, ou souffrant d'un Covid long sans polypathologie aggravante.

De retour chez eux après cette semaine d'hospitalisation, les patients bénéficient pendant 4 à 6 semaines à un programme associant des séances individuelles et collectives (4 patients) en temps réel avec un kinésithérapeute, des séances d'éducation thérapeutique avec un infirmier, des activités de tous les jours, et des séances individuelles en différé (vélo, marche) avec analyse a posteriori par le professionnel de santé, grâce aux outils connectés. "Cela nous permet de réajuster le programme en temps réel et de surveiller l'état de santé des patients", complète le directeur.

Interviennent aussi un coach et une diététicienne. "Les séances collectives sont importantes car on est content de retrouver les autres personnes du programme", raconte Michel, un patient. "C’est encourageant de voir que l’on n’est pas seul et motivant de se voir progresser au fil des semaines. Les professeurs en APA ont été d’une grande aide pour mon assiduité." Pour lui, "cette formule est idéale : je ne me serais pas lancé dans cette prise en charge si cela nécessitait de se rendre au centre de SSR tous les jours". Avec ce programme, il sait qu’il voit son référent tous les matins, avant d’effectuer les activités et exercices qui lui sont demandés. Il s’organise comme il le souhaite.

À la fin, le patient revient au SSR pour 3 jours où l'on évalue ses progrès : épreuve d'effort, bilan kinésithérapique et bilan APA, etc. L'équipe finalise avec lui son "projet de vie" pour la suite.

Un premier bilan encourageant

Un retour d'expérience a été effectué après 6 mois de ce programme. Pour Fabrice Sainte-Marie, "il donne une image moderne au centre et a trouvé sa place dans l'offre de soins. Il est inséré dans les parcours". Autre avantage : la téléréadaptation permet de toucher des patients à 100 ou 150 km de l'établissement, dans des territoires où il n'y a pas de SMR neurologiques, pneumologiques ou cardiologiques (par comparaison, le périmètre de l'HDJ n'est que de 30 à 70 km).

Pour ce qui est de l'efficacité clinique du programme, les résultats en matière de réentraînement à l'effort sont similaires à ceux de l'HDJ. Le programme permet en outre d'éviter de saturer les plateaux techniques du SSR.

Pour inciter les patients à poursuivre une activité physique adaptée à l'issue du programme, le centre envisage des partenariats avec des maisons sport santé.

La téléréadaptation a toutefois ses limites : le caractère restrictif des critères d'admissibilité (autonomie des patients, accès à Internet…), la réticence de certains à l'informatique, ou leur crainte d'une "rééducation au rabais". Par ailleurs, pour le centre Marguerite Boucicaut, cette formule est "gourmande en ressources humaines" : pour les séances collectives regroupant 4 patients, le service mobilise autant de personnels que pour 8 patients pris en charge sur place.

L'établissement a lancé un 2e programme de téléréadaptation en décembre 2022, pour des patients en neurologie (prise en charge précoce de patients atteints de sclérose en plaques).

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