3 000 kinésithérapeutes dans la rue à Paris pour un baroud d'honneur

Sophie CONRARD
- 1er juillet 2025
Environ 3 500 professionnels de santé s'étaient donné rendez-vous en fin de matinée aux Invalides, à Paris, pour manifester contre le gel des revalorisations promises. Parmi eux, de nombreux kinésithérapeutes venus de toute la France.
Les organisateurs de cette mobilisation estiment que quelque 3 000 kinésithérapeutes étaient présents. "Rien que sur les 4 départements bretons, nous sommes 150 de la FFMKR", se réjouissait Franck Adrian, kinésithérapeute à Vannes et président du syndicat FFMKR du Morbihan. Pour Philippe Saulay, qui exerce à Solesmes, c'est la "première manif' en 30 ans d'exercice". Pourquoi ? Ce report de 6 mois de revalorisations attendues depuis 2 ans, "c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Nous annoncer ça une semaine avant la date où elles devaient tomber, c'est honteux", explique-t-il, en colère. Comme tous ses confrères présents, il a fermé son cabinet pour la journée. Quelques jours avant, il a aussi mis une affiche dans sa salle d'attente pour sensibiliser ses patients. "Ils sont tous solidaires !" Découvrant le tarif d'une séance, l'un de ses patients, gérant d'un garage automobile, est resté sidéré : "Il m'a dit que lui-même ne serait pas prêt à travailler pour un tel tarif. Ça m'a fait réfléchir, d'entendre ça dans la bouche de quelqu'un qui n'est pas du métier", avoue Philippe Saulay.
Quelques étudiants étaient là, sous la bannière de la Fnek qui avait appelé à rejoindre le mouvement. Médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens étaient présents en nombre également, leurs syndicats dénonçant "une rupture du pacte conventionnel". Au total, 13 syndicats se sont réunis pour l'occasion sous l'étiquette d'un collectif baptisé "Soignants trahis" (par ordre alphabétique : Alizé, Les CDF, la CNSA, la CSMF, la FFMKR, la FMF, la FSPF, MG France, l'ONSSF, le SDA, le SNAO, le SNMKR et l’USPO).
Une cinquantaine de députés et sénateurs se sont montrés solidaires de cette mobilisation et sont venus témoigner leur soutien au "village des soignants trahis", avant le départ du cortège : Guillaume Garot, l'ancienne ministre de la santé Agnès Firmin Le Bodo, Karl Olive, Stéphane Delautrette, Romain Eskenazi, etc.
Une colère palpable
"Ce cortège est particulièrement bruyant, par rapport à d'autres manifestations que j'ai connues", remarque Thomas Prat, kinésithérapeute à Laon (Aisne) et vice-président de la FFMKR délégué à la vie conventionnelle et aux relations avec l'assurance maladie. Sur les pancartes, des slogans rageurs qui témoignaient de l'ampleur de leur colère : "L'inflation nous écrase, le gouvernement nous enterre", "La Cnam, niquez vos mères, on s'occupe de vos grands-mères", "Kinés dévoués = kinés méprisés" ou encore "Quand la Sécu chie sur les soignants, les patients sont aussi dans la merde".
"Si on a pris le train à 6h ce matin pour venir depuis Perpignan, c'est parce qu'on est en colère. On en a marre d'être pris pour des imbéciles. On avait décroché ces revalorisations de haute lutte, après de longues négociations, et il y a eu des contreparties, qui ont déjà été appliquées. Alors nous les supprimer quelques jours avant la date prévue, en raison d'un dérapage budgétaire dont on n'est pas responsables, c'est insupportable", confirme Nicolas Lopez, kinésithérapeute à Cabestany (Pyrénées-Orientales) et président du syndicat FFMKR 66.
La FFMKR reste mobilisée
Le cortège a longuement stationné devant le ministère de la santé, sous un soleil de plomb, en attendant qu'une petite délégation soit reçue par le ministre de la santé, Yannick Neuder. "Nous avons été reçus, le ministre nous a écoutés mais il ne nous a hélas pas entendus. Donc la mobilisation continue. La démonstration de force d'aujourd'hui, malgré la canicule, témoigne de la colère de toute une profession, qui se sent méprisée par les pouvoirs publics", a martelé Sébastien Guérard, président de la FFMKR, à la sortie du rendez-vous. "Si la suspension des revalorisations prévues est automatique en raison de la loi, elle peut être négociée pour permettre le versement de nos revalorisations dès cet été", c'est pourquoi la FFMKR demande l'ouverture immédiate de négociations pour un avenant 8 qui permettrait cela. "Mais le Gouvernement a fermé la porte à cette possibilité", déplore-t-il. "Donc la FFMKR poursuivra la mobilisation jusqu'à l'obtention de ces revendications. Nous avons l’opinion publique, nos patients et le bon sens de notre côté. Dans les prochains mois, nous serons sur le pont pour vous défendre."
"Comme l'a dit Sébastien Guérard, nous devons construire sur cette mobilisation pour agir dans les urnes, dans nos cabinets, dans nos villes et face aux pouvoirs publics. Aujourd'hui n'est pas une fin mais un commencement, pour que nous soyons enfin reconnus à notre juste valeur", conclut Arnaud Barbier, kinésithérapeute à Baillargues et vice-président de la FFMKR délégué à l'animation de la vie syndicale.