Stéphane Beulay, réélu à la tête de la Carpimko : « Notre ambition est de sécuriser et améliorer la retraite des libéraux »

Sophie CONRARD
Kiné actualité : Vous débutez votre second mandat dans un contexte difficile, marqué par la colère des kinésithérapeutes face à la suspension de leurs revalorisations, et des menaces croissantes sur le système de retraite et le pouvoir d’achat des retraités. Comment abordez-vous ces défis ?
En tant que président de la Carpimko, mon travail est de défendre les intérêts de l’ensemble des paramédicaux libéraux en général, y compris des kinésithérapeutes. Ce n’est pas une tâche facile. Il nous faut à la fois garantir le pouvoir d’achat des retraités par des niveaux de pensions suffisamment élevés, tout en faisant attention au pouvoir d’achat des actifs, qui cotisent pour les retraités. Cet équilibre est respecté, et nous faisons en sorte qu’il le soit pour les décennies à venir.
Est-ce que l’autonomie de la Carpimko est menacée ?
Notre autonomie dépend directement de notre capacité à gérer la Carpimko de façon sérieuse. Avoir une caisse autonome, gérée par des professionnels élus, est une chance. C’est une protection contre les décisions unilatérales de l’Etat – nous avons vu, avec la suspension des revalorisations des kinés, combien ces dernières peuvent être injustes et déconnectées du terrain.
Les défis sont nombreux. Le revenu des kinésithérapeutes stagne, ce qui a un effet direct sur le montant des cotisations versées. Le choc démographique est important, même s’il est moindre que dans le régime des salariés, grâce à l’augmentation du nombre de professionnels libéraux, et notamment des kinésithérapeutes. Les dépenses d’invalidité-décès sont en croissance constante. Cependant, notre ambition n’est pas seulement de sécuriser la retraite des libéraux pour l’avenir, mais aussi de l’améliorer et de l’adapter à chaque parcours.
Lors des élections Carpimko de juillet 2025, les kinésithérapeutes ont placé la FFMKR en tête, avec 44% des suffrages. Est-ce une satisfaction ?
On ne peut pas parler de satisfaction lorsque le taux de participation est aussi faible : seulement 13% des kinésithérapeutes ont voté, ce qui est historiquement bas.
Je suis cependant heureux de la campagne que nous avons menée. Nos candidats ont sillonné la France pendant plusieurs semaines, à la rencontre des kinés, pour recueillir leurs opinions et présenter le projet de la FFMKR. Celui-ci est en prise avec les attentes du terrain : une retraite adaptée à chaque parcours, qui soit plus digne et plus juste, et qui protège à chaque étape de la vie.
Les élus de la FFMKR à la Carpimko sont expérimentés, engagés et déterminés. Pendant les six années qui viennent, ils défendront tous les kinésithérapeutes, actifs comme retraités.
Comment analyser ce fort taux d’abstention ?
En 1999, 40% des kinésithérapeutes votaient aux élections à la Carpimko. Ce taux a baissé progressivement, atteignant 25% en 2013, et 13% en 2025. Il y a plusieurs explications possibles. Tout d’abord, l’intérêt pour les élections comme modalité d’expression faiblit, et pas seulement pour les élections professionnelles. Ensuite, la démographie de la profession change considérablement. En vingt ans, le nombre de kinésithérapeutes a doublé ; il est possible que l’enjeu des retraites soit perçu comme trop lointain par les jeunes professionnels.
Mais surtout, je pense que les professionnels ont perdu confiance dans le système de protection sociale. Et la suspension des revalorisations ne va rien arranger ! Nous avons un important travail à accomplir pour rendre le système de retraite des libéraux plus lisible, et plus proche d’eux.
Le nouveau bureau de la Carpimko compte cinq membres[1], représentant chaque profession affiliée. Comment se passe ce travail interprofessionnel ?
L’ensemble du bureau est composé de représentants issus de syndicats engagés de longue date dans la défense des retraites des professionnels libéraux. Face aux menaces qui pèsent sur nos retraites, il est indispensable de porter un projet commun, qui soit responsable. Les cinq syndicats représentés au bureau de la Carpimko portent cette ambition.
La Carpimko est une caisse qui a de nombreux défis à relever, notamment en termes de satisfaction des affiliés. Il est normal que les professionnels qui ont cotisé toute leur vie soient accompagnés efficacement, au cas par cas – et il faut adapter la Carpimko à leurs aspirations et à leurs besoins.
Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! La Carpimko est une caisse bien gérée : ses comptes sont sains, et permettent de sécuriser la retraite des libéraux. En comparaison, la situation d’autres régimes de retraite, comme celui des agents hospitaliers, est parfois catastrophique. Nous sommes donc au travail pour sécuriser la retraite des libéraux, et pour l’améliorer.
Quels sont les prochains chantiers de la Carpimko ?
Ils sont nombreux. Tout d’abord, mettre en place concrètement la retraite progressive dès 60 ans. Le décret qui le permet vient d’être publié. Jusqu’à présent, cette possibilité n’était ouverte que deux ans avant le départ à la retraite - 62 ans dans la majorité des cas. C’est une avancée importante, pour laquelle la FFMKR s’est fortement mobilisée, aux côtés de ses partenaires des autres professions. Concrètement, la retraite progressive permet de continuer à travailler, en diminuant ses revenus issus de l’activité libérale mais en percevant une partie de la pension de retraite de base. Pendant ce temps, le professionnel continue de verser des cotisations, et donc d’augmenter ses droits pour son départ à la retraite définitif.
Nous ferons aussi en sorte d’améliorer l’ASV, c’est-à-dire la surcomplémentaire retraite des libéraux conventionnés, financée en grande partie par l’assurance maladie. Notre objectif est de la rendre accessible dès 64 ans, contre 65 actuellement, de la majorer de 10% pour les parents de familles nombreuses, et de permettre des surcotes.
Nous avons aussi comme objectif d’améliorer les démarches liées aux indemnités journalières. De nombreux libéraux se plaignent de délais de traitement trop longs ; nous devons apporter le meilleur service à ces professionnels frappés par des problèmes de santé.
Nous devons également pérenniser le régime invalidité-décès (RID). C’est un atout important pour les professionnels paramédicaux : chez les libéraux, seules quatre caisses sur dix disposent d’un tel régime ! Au sein de la Carpimko, le RID était déficitaire jusqu’à récemment : nous l’avons redressé. Mais les dépenses d’invalidité sont en hausse constante ; il faut donc les gérer sérieusement.
Enfin, nous avons un important travail à mener sur le sujet de la capitalisation. C’est une attente forte des professionnels : constituer une épargne retraite individuelle sûre et avantageuse, et optionnelle pour ne forcer personne.
L’année 2026 sera marquée par la modification du calcul des cotisations sociales. Concrètement, qu’est-ce qui va changer ?
Là encore, c’est une réforme que nous portons depuis plusieurs années, et qui va enfin aboutir. Aujourd’hui, la CSG et la CRDS des libéraux sont calculées sur une base (une « assiette ») plus importante que celle sur laquelle sont calculées les cotisations de retraite. Pour simplifier, nous payons trop de CSG, et pas assez de cotisations retraite. Alors que ce sont les cotisations qui permettent d’acquérir des droits individuels !
A partir de 2026, tout sera calculé sur une seule assiette, plus basse. Cela aura un double effet : les montants de CSG et de CRDS vont baisser, et les cotisations de retraite vont augmenter. Le montant global des charges n’augmentera pas : l’augmentation des cotisations sera compensée par la baisse des contributions. Ce qui changera, c’est que les libéraux obtiendront davantage de points pour leur retraite.
Au moment de la période fiscale, c’est-à-dire dès avril 2026, il y aura donc des changements, et probablement de l’incompréhension. La Carpimko sera au rendez-vous pour expliquer la réforme et accompagner les professionnels.
[1] Siègent au bureau de la Carpimko le président Stéphane Beulay (FFMKR), la secrétaire générale Corinne Boursaud (Fédération Nationale des Infirmiers), le trésorier général Jérémy Maudouit (Fédération Nationale des Podologues), le Vice-Président Fabrice Ravenel (Fédération Nationale des Orthophonistes) et le Vice-président délégué Pierre-Alexandre Delgutte (Syndicat National Autonome des Orthoptistes).