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Lutte contre la fraude : l'assurance maladie va trop loin

©Andreyuu

Sophie Conrard
- 24 avril 2023

La Sécurité sociale réfléchit à mettre en place une mesure lui permettant de suspendre automatiquement la prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires paramédicaux (PAMC) en cas de fraude détectée et avérée. Les professionnels de santé sont furieux.

"Dans le cadre de la préparation du prochain plan de lutte contre les fraudes sociales, qui devrait être dévoilé dans les prochains jours par le ministre des comptes publics, nous souhaitions vous informer qu'une mesure visant à prévoir dans la loi la suspension automatique de la participation de l'assurance maladie à la prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux en cas de fraude détectée et avérée pourrait être annoncée", a fait savoir la Direction de la sécurité sociale (DSS) dans un mail envoyé à plusieurs organisations syndicales. Rappelons que "les différentes conventions signées entre l'assurance maladie et les représentants des professionnels de santé prévoient déjà qu'en cas de non-respect des dispositions conventionnelles, les professionnels peuvent faire l'objet de différentes sanctions, dont la suspension de la participation des caisses à la prise en charge des avantages sociaux pour des durées de 12 mois maximum". Ces sanctions n'interviennent toutefois qu'à l'issue de la procédure conventionnelle pour fraude et pendant la durée de la procédure, "le professionnel de santé fraudeur continue de bénéficier de tous les avantages de la convention, notamment de la prise en charge par l'assurance maladie d'une partie de ses cotisations sociales".

Cette annonce a fait grincer des dents chez les libéraux de santé. "La suspension des cotisations interviendra en dehors de tout procès. On a peur que la présomption d'innocence soit bafouée", a expliqué la présidente de Convergence infirmière, Ghislaine Sicre. La Fédération nationale des infirmiers (FNI) a pour sa part dénoncé une mesure "superfétatoire, inutile et dangereuse pour le système conventionnel". "Le constat que nous dressons tient au fait que ces fautes ou abus sont souvent assimilées à de la fraude sans que l'intentionnalité de celle-ci ne soit établie. Le professionnel isolé ne pèse alors pas lourd face au rouleau compresseur administratif et juridique déployé par certains échelons locaux de l'assurance maladie qui piétinent la charte de contrôle de 2012", a expliqué le président du syndicat, Daniel Guillerm, dans un courrier répondant à la DSS.

Un manque de confiance à l'égard des professionnels

Dans un communiqué publié jeudi, l'UNPS a également appelé la DSS à "revoir sa copie". Elle aussi, déplore l'inutilité de cette mesure supplémentaire, face à "l'arsenal juridique existant", et y voit la preuve supplémentaire "d'un manque de confiance envers les professionnels de santé de ville". "Pour la majorité des professionnels de santé libéraux, les procédures de recouvrement d'indus surviennent à la suite d'une erreur isolée et ponctuelle dans la tarification d'un acte, d'un produit ou d'une prestation. Elles ne sont pas le reflet de l'ensemble de leur activité. Les erreurs de cotations ne sont pas, dans la plupart des cas, intentionnelles", affirme-t-elle, rappelant qu'une nomenclature "très complexe" pouvait parfois amener à faire "des erreurs" qui ne "doivent pas être confondues avec les fraudes".

Plus généralement, les syndicats regrettent une gradation des sanctions constatée ces derniers mois pour lutter contre la fraude des professionnels de santé. La LFSS pour 2023 a en effet déjà instauré plusieurs nouvelles mesures visant à lutter contre la fraude sociale des professions médicales. Parmi les principales nouveautés de la loi, figure la possibilité pour une CPAM de réclamer "par extrapolation des indus sur la totalité de l'activité des soignants libéraux et pas seulement sur les anomalies relevées lors des contrôles". Cette LFSS prévoit également la possibilité, pour le directeur d'une CPAM, de prononcer des pénalités à l'encontre des professionnels de santé sans demander l'avis de la commission de recours amiable pour certaines fraudes.

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