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Au musée d'Orsay, à Paris : Pierre Bonnard l'inclassable

Damien Regis
Kiné actualité n° 1406 - 28/05/2015

Image ci-dessus : Paravent à trois feuilles avec grue, canards, faisans, bambous et fougères, 1889. Détrempe sur coton teint en rouge, 159,5 × 54,5 cm chaque feuille. Collection particulière.

Avec sa rétrospective intitulée \"Pierre Bonnard, peindre l'Arcadie\", le musée d'Orsay se place dans la lignée des grandes expositions déjà consacrées dans le monde entier à l'un de nos artistes les plus prodigues. Cette exposition sera également présentée à Madrid dès l'automne, puis à San Francisco début 2016.

Il s’agit ici de montrer plusieurs périodes de la création de Pierre Bonnard (1867-1947). Les différentes sections de l’exposition permettent de cheminer tout au long de l’œuvre de ce géant touche-à-tout, dont on suit également les états d’âme. “Bonnard a défendu une esthétique essentiellement décorative, nourrie d’observations incisives et pleines d’humour tirées de son environnement immédiat”, soulignent les responsables du musée d’Orsay. “Du tableautin au grand format, du portrait à la nature morte, de la scène intime au sujet pastoral, du paysage urbain au décor antique, l’œuvre de Bonnard révèle un artiste instinctif et sensible. Sa palette aux couleurs vives et lumineuses en fait l’un des principaux acteurs de l’art moderne et un représentant éminent du courant arcadien”, ajoute Isabelle Cahn, conservateur en chef au musée d’Orsay.

"L’Atelier au mimosa”, 1939- 1946. Huile sur toile, 127,5 × 127,5 cm.
Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle,
acquis en 1979, AM 1976-732.

Le “Nabi très japonard”
La première partie de l’exposition présente l’artiste, très jeune, dans sa période post-impressionniste lorsqu’il faisait bande avec ses compères les Nabis (“prophète” en hébreu) : Paul Gauguin, Paul Sérusier, Maurice Denis et Édouard Vuillard, notamment, bien décidés à se mettre en marge de la peinture académique. Bonnard se cherche et n’a pas encore trouvé son style propre. Il est alors fortement influencé par la peinture japonaise, très à la mode dans les milieux artistiques. Ses grands paravents éclatent de couleurs vives et chatoyantes. Bonnard y manifeste un réel amour de la vie et en montre les aspects positifs. C’est le temps de l’insouciance.
On passe ensuite à une section plus disparate, baptisée “Faire jaillir l’imprévu”, selon l’expression même de Bonnard. En proie à un immense bonheur de peindre, il réalise alors des tableaux selon ses réactions du moment, dans l’immédiateté, sans refuser de céder à ce qui peut surgir de son inconscient. Jamais peut-être sa créativité n’a été plus libre et sa peinture plus foisonnante. L’artiste se laisse guider par son instinct, sans contrainte, mais déjà se profile ce style bien à lui dans la façon de tirer le meilleur de la palette nuancée des couleurs.
La suite de l’exposition est sublime, avec la partie “Histoires d’eau” où se trouve rassemblés, pour la première fois, la quasi-totalité des “nus dans la salle de bains” exécutés par Bonnard. C’est la période pendant laquelle il s’exerce à peindre en plongée et en contre-plongée, plaçant ses modèles dans des intérieurs lumineux. On remarquera comment, pour créer de la profondeur et mieux mettre en situation ses sujets, il emboîte alors les espaces. On notera aussi que tous les tableaux sur cette thématique peints avant 1925 sont en position verticale, et ceux d’après en position horizontale, le plus souvent dans une baignoire. Cette année-là, le peintre est durement touché par le suicide de sa maîtresse, Renée.

Pierre Bonnard fumant la pipe dans le jardin du Grand-Lemps, vers 1906.
Paris, musée d’Orsay,
donation de l’indivision Terrasse en 1987.

“La Symphonie pastorale”, panneau décoratif pour Bernheim-Jeune, 1916-1920.
Huile sur toile, 130 × 160 cm.
Paris, musée d’Orsay,
don de la Fondation Meyer 2009.

Les couleurs du désenchantement
Viennent ensuite les nombreux autoportraits de Pierre Bonnard, qui s’est représenté à tous les âges de sa vie. Il s’y montre sans aucune concession, accentuant presque par jeu ses défauts physiques, livrant ici l’expression d’une grande souffrance personnelle, et là un regard vide qui en dit long sur ses tourments intérieurs. On est loin de ses jeunes années au sein des Nabis !
La fin de l’exposition est consacrée à Bonnard “l’Arcadien”, l’Arcadie n’étant autre que la mort en référence au célèbre tableau de Nicolas Poussin, Les bergers de l’Arcadie, montrant une scène de méditation devant un tombeau, sur fond de paysage grec.
La succession des œuvres de Bonnard montre la façon très étonnante dont l’artiste prend lucidement en compte le phénomène de la disparition de tout être humain, mais en mettant en scène cette issue fatale à travers des événements positifs et heureux. La puissance des scènes de vie s’en trouve décuplée et les couleurs ne sacrifient pas à la peur ou à l’angoisse mais continuent à exploser. Les scènes de nature, les femmes épanouies, les enfants joyeux sont là pour dire que la vie est plus forte que la mort.
Les “visions arcadiennes” de Bonnard l’ont conduit à peindre des tableaux de très grand format que le musée d’Orsay présente dans un espace approprié. On remarquera la beauté et la modernité d’un très grand triptyque appelé Méditerranée. Un chef-d’œuvre parmi les nombreux que rassemble cette exposition incontournable, organisée avec la Fondation MAPFRE de Madrid (où elle sera présentée du 10 septembre au 6 janvier 2016) et des Fine Arts Museums de San Francisco (du 6 février au 15 mai 2016).

Jusqu’au 19 juillet 2015
“Pierre Bonnard, peindre l’Arcadie”
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur
www.musee-orsay.fr

© Droits réservés/ADAGP, Paris 2015
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migea/ADAGP, Paris 2015
© Musée dʼOrsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt/ADAGP, Paris 2015
© Musée dʼOrsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt/ADAGP, Paris 2015

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