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Clos de Vougeot :
À table comme autrefois

Frédérique Maupu-Flament
Kiné actualité n° 1485 - 13/04/2017

Que mangeait-on au Moyen Âge ? Dans quel ordre servait-on les plats ? À quoi ressemblait la table ? Pour le savoir, mettons-nous "À table au Moyen Âge", avec l'exposition organisée par le château du Clos de Vougeot et l'association historique La Tour Jean-Sans-Peur. L'occasion de découvrir que les us et coutumes culinaires de nos ancêtres étaient bien différentes des nôtres.

C’est une profonde histoire d’amour entre les hommes et la terre de Bourgogne, la vigne et une région. Celle du château du Clos de Vougeot s’écrit dès le 12e siècle avec les moines cisterciens de l’abbaye de Cîteaux qui profitèrent d’un environnement exceptionnel pour construire, au beau milieu des vignes, des bâtiments destinés à l’exploitation viticole. Rien d’étonnant à ce que ce haut lieu du terroir bourguignon, situé sur la route des Grands Crus, accueille aujourd’hui l’exposition dédiée à la table médiévale, organisée par l’association La Tour Jean-Sans-Peur.

Tous en cuisine

Les anciennes cuisines du château ont été reconstituées par Françoise de Montmollin, enseignante passionnée de cuisine médiévale (elle a publié en 2013 aux éditions Ouest France un livre de recettes médiévales), qui a imaginé la mise en scène d’une cuisine de l’époque avec des jeux de lumières et de sons, des ustensiles de cuisine et des aliments de base. Au point qu’on serait à peine étonné de voir surgir Taillevent, le plus célèbre cuisinier du Moyen Âge, auteur au 14e siècle du célèbre “Viandier”.

Les cuisines reconstituées
façon Moyen Âge.

Cracher par terre ou sur la nappe ?
Peut-on cracher sur la table ? A-t-on le droit de s’essuyer le nez sur la nappe ? Des questions qui nous font sourire aujourd’hui. Pourtant, à la fin du 12e siècle, dans toute l’Europe, le savoir-vivre à table est d’une grande actualité. Bourgeois et artisans copient les manières de la cour. Même chez les paysans, les manières évoluent. “À partir du 13e siècle, des quantités énormes de manuels de bonnes manières à table ont été écrits, particulièrement à l’intention des enfants, versifiés… Il fallait devenir parfaitement poli à la ville comme à la cour”, raconte Danièle Alexandre-Bidon, commissaire de l’exposition, archéologue et médiéviste passionnée.

“On n’avait plus le droit de mal se tenir à table !”, relève la spécialiste. D’où l’invention des “civilités”, règles de comportements édictées à la fin du 13e siècle. On apprend ainsi dans cette exposition que le fait de manger en vis-à-vis était uniquement valable dans les milieux populaires, mais pas à la cour. Là, chacun prend son repas côte à côte pour bien apprécier le spectacle des jongleurs, des acrobates et le ballet des serveurs.

Tous à égalité : la Table ronde. Arrivée de Galaad
à la cour d'Arthur. "Fragment de la quête du
Saint Graal, Lancelot du Lac, Pavie ou Milan",
V 1380.
Devant le dressoir de l'office, le service
du vin. Barthélémy l'Anglais,
"Livre des propriétés des choses, Berry", 1480.

Le “sucré salé”, un must de la table médiévale
Les repas au Moyen Âge sont très différents de ce que nous connaissons aujourd’hui. Chez les paysans, ils sont rudimentaires et se composent souvent d’une espèce de trempée de pain, agrémentée selon les saisons de légumes et de quelques morceaux de viande. Chez les nobles, l’abondance des mets est synonyme de richesse. Certains aliments sont emblématiques du Moyen Âge. Le pain d’abord (toujours préparé par les femmes) qui, coupé en deux dans le sens de la largeur, sert de “tranchoir”, c’est-à-dire d’assiette épaisse sur laquelle on coupe sa viande et ses mets.

Comme cette époque raffole de l’acidité, le “verjus” est de tous les repas. Ce jus vert et acidulé est fabriqué à base d’oseille ou de raisin jeune. Il accompagne aussi bien les viandes que les poissons. Enfin, le miel est très populaire à cette période et les plats “sucrés salés” très prisés. Le sucre, lui, est utilisé comme médicament !

Du vin, du vin !

Au Moyen Âge, on se méfie de l’eau, qui véhicule des maladies. On consomme donc énormément de vin. Pour une mère de famille, la ration préconisée est de trois litres par jour ! Bien loin des deux verres recommandés aujourd’hui. On commence en général à boire du vin dès le matin. Même les enfants y ont droit, légèrement coupé d’eau. Toutefois, le vin se boit très jeune à cette époque et il ne tire pas à plus de six degrés. Les plus pauvres boivent de la bière et du cidre, moins onéreux. 

Le naturel, quelle horreur !
“On commence par un apéritif, une boisson accompagnée de sucreries épicées…”, explique Danièle Alexandre-Bidon. Cette boisson, c’est l’hypocras, un vin médicinal aromatisé avec des herbes, du miel, du gingembre et de la cannelle. Après l’apéritif, destiné à ouvrir l’appétit, “on mange des potages, qui ne sont pas des soupes, mais des mets qu’on conserve dans des pots, puis des rôts, réservés aux personnes huppées”.

Comment mange-t-on la viande : mijotée, rôtie, farcie ? Les trois à la fois ! “Plusieurs types de cuissons sont combinées dans un même plat”, commente la médiéviste. “On commence généralement par ébouillanter une viande, souvent farcie au préalable, puis on la passe à la broche.” On peut aujourd’hui s’étonner de cette complication apparente, mais “le Moyen Âge a besoin de manger culturel et non pas naturel”, relève Danièle Alexandre-Bidon. Une manière de penser qui, à l’heure du bio et de la cuisine “nature”, ne manque pas de nous faire sourire. 

Jusqu’au 30 novembre 2017
Tél. : 03 80 62 86 09 ou www.closdevougeot.fr

© Bénédicte Manière
© Paris, BNF
© Château du clos de Vougeot

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